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L'INTERVIEW
YOGI FOOD
Clémentine Erpicum et Mélanie Caillo
Sans hésitation. La découverte des recettes de cuisine traditionnelle des yogis dévoilées par Clémentine Erpicum et Mélanie Caillo nous donne une telle envie de nous nourrir de cette manière que notre voie est toute tracée : nous sommes yogi dans l’âme. La pratique de ce mode alimentaire ne se limite pas à des recettes, au sens habituel, et c’est bien cela qui nous parle. La recherche des ingrédients liés à la saison, à l’activité, au profil énergétique, la découpe, la préparation, l’esprit du cuisinier comme celui des hôtes qui partagent le repas : faite de patience et de présence, l’attitude juste du yogi, pratiquant de l’ayurveda (médecine traditionnelle de l’Inde) dont il est ici question, se révèle dans sa conception de l’alimentation étendue à son environnement. Un contexte recherché, conscientisé. Le mérite des deux auteures de ce livre très accessible réside dans la cohérence de leur propos. On comprend aisément de quoi il s’agit alors que l’ayurveda s’appuie sur des principes conjugués d’une complexité tout en nuances subtiles, pas toujours faciles à assimiler. Ici, on digère sans difficulté. Des recettes de ce livre inspiré émane une saveur de santé et de paix que l’on goûte avec un sentiment de bonheur simple. La cohérence évoquée tient sans aucun doute au respect de ces principes ayurvédiques fondateurs, destinés à équilibrer le corps et l’esprit. Le mental s’apaise à coup sûr sous l’influence de cette nourriture harmonieuse, en phase avec une spiritualité millénaire que l’Occident tente de s’approprier sans toujours en saisir le sens. Adeptes confirmées du yoga, Clémentine Erpicum et Mélanie Caillo ne courent pas ce risque. Afin d’ancrer visiblement leur cuisine dans la tradition qui lui a donné naissance, elles parsèment leurs pages de recettes de conseils pratiques, d’extraits de textes anciens, d’idées de soins adoptées au fil des années : des petites graines de sagesse, simples et fertiles, aptes à faire germer sans en avoir l’air la sérénité essentielle qui nous fait si souvent défaut. Une sobre plénitude.
Éditions La Plage. 184 pages. 20 €

CLÉMENTINE ERPICUM & MÉLANIE CAILLO

OUVRENT LA VOIE.

Deux adeptes de longue date du yoga dans tout ce que cette pratique comprend de nuances culturelles. Intégrer progressivement les données ayurvédiques n’empêche nullement de se réjouir des plaisirs d’une découverte gourmande de l’alimentation d’un yogi. Bien au contraire. On savoure un profond sentiment d’équilibre
La conception de votre livre se révèle d’emblée très pédagogique. On se sent déjà un peu yogi en le lisant. Vous validez ? Ou bien est-il nécessaire d’être au moins un yogi en herbe pour mettre sans attendre votre livre en pratique ?
Ce livre a été pensé pour être accessible à toutes et à tous, sans pré-requis particulier. Chacun peut y trouver un niveau de lecture qui lui correspond, selon son expérience et sa sensibilité. Dans notre entourage par exemple, la mère de Mélanie, qui n’est pas yogini, a spontanément retenu ahimsa, la non-violence. C’est exactement l’esprit de l’ouvrage : que chacun s’approprie ce qui résonne en lui. Ce n’est pas un livre qu’on lit d’une traite, mais qu’on feuillette, qu’on picore, qu’on met en pratique et qu’on savoure… Après tout, l’alimentation qui met en joie et en bonne santé nous concerne tous !
Par quoi conseillez-vous de commencer ? L’esprit ? Le corps ? Ou bien, d’emblée, le corps et l’esprit ?
Idéalement les deux, car tout est lié. Mais pour beaucoup d’entre nous, le corps offre une porte d’entrée plus accessible. On commence par le nourrir et l’observer : quels effets ont tel aliment, telle épice, telle recette ? Est-ce que cela m’apporte énergie et légèreté, ou au contraire lourdeur, ballonnements, inconfort ? Peu à peu, on remarque des effets plus subtils sur le mental : est-ce que ce repas clarifie mes pensées, m’apaise, ou bien me rend agité, confus ? Inversement, lorsque notre alimentation nous donne les idées claires, on est plus à l’écoute du corps et plus enclin à prendre soin de lui. C’est exactement comme dans la pratique du yoga. On débute souvent par le corps avec les postures, et celles-ci installent les conditions propices à la concentration et à la méditation. Ces pratiques intérieures amènent naturellement à plus de conscience du corps. C’est donc un cercle vertueux !
« La vie ayurvédique est un art de l’ajustement », dites-vous. Qu’entendez-vous par là ?
C’est une citation de Michel Angot qui nous a beaucoup inspirées. Rien n’est bon ou mauvais en soi, tout dépend du contexte : la saison, le tempérament, l’âge, l’état émotionnel, le lieu de vie, le moment de la journée… Comme l’Ayurveda est très en vogue, on fait souvent l’erreur de se figer dans une étiquette (vata, pitta, kapha). Or c’est réducteur : nous évoluons constamment ! D’où cette idée d’ajustement permanent. Dans Yogi Food, nous avons voulu transmettre cette souplesse, notamment avec un outil concret : un test à faire et à refaire, qui invite à s’observer à l’instant T et ajuster ses choix alimentaires en conséquence. Cette pratique de l’auto-observation est, selon nous, le cœur même de l’Ayurveda et du yoga.
Vos recettes sont truffées de petits conseils ayurvédiques accessibles, comme l’ajout de sel noir dans une brouillade de tofu. Ceci afin de stimuler « agni », le feu digestif souvent affaibli par notre mode de vie. Vous pouvez nous en citer d’autres ?
Avec plaisir ! Ce sont souvent des gestes très simples :
🍽️ Ajouter une pointe de cardamome dans le café pour atténuer son effet anxiogène.🍽️ Bien mâcher ses aliments (le maître yogi Sivananda recommandait 30 fois par bouchée!).
🍽️ Et puis, la petite marche digestive : cent pas après le repas font des merveilles.
Nous avons parsemé notre livre de conseils et astuces pour rendre les recettes plus vivantes et la digestion plus légère.
Que faut-il manger avant une séance de yoga ? Et après ?
Mieux vaut pratiquer l’estomac léger pour éviter lourdeur et inconfort. Le matin, on peut dérouler son tapis à jeun ; l’après-midi ou le soir, on laisse trois heures après un repas consistant. Si la faim se fait sentir avant une séance, quelques collations bien choisies : une poignée d’amandes, un fruit mûr, un yaourt végétal...