Roberto Grossi (scénario, dessin et couleurs).
Traduction de l’italien : Maïa Rosenberger.

Indifférence ? Pas la nôtre ! À nos yeux, BD de l’été, cet essai graphique conçu et réalisé de bout en bout, de main de maître, par Roberto Grossi n’en finit pas de remuer la conscience dans tous les sens. Il coupe le souffle. Met un temps d’arrêt à une lecture classique du genre “on lit, on assimile plus ou moins, on continue de lire et on est content”… Cette puissance du texte et de l’image parfaitement architecturés par l’auteur, on la prend en pleine figure et c’est très bien comme ça. On se sentirait presque mieux, la tête en vrac mais le cœur solidaire, complètement solidaire, de la vision politique radicale de cet artiste italien déterminé à donner un coup de pied dans la fourmilière de l’écologie environnementale, molle et stérile.

Un coup de pied, c’est peu dire. Roberto Grossi est-il hors de lui ? Ou bien désespéré ? Sans doute les deux à la fois. Le spectacle de la mise en œuvre consciencieuse et irréversible de la destruction de la planète, d’une extinction de masse, n’ayons pas peur des mots, se déroule aux yeux de tous comme si de rien n’était et cette bande dessinée documentaire implacable qui mêle habilement histoire, science, politique et expérience personnelle, a décidé de faire sauter la boutique du consensus et de la profonde crise démocratique qu’il occulte.

“Il est plus facile d’imaginer la fin du monde que la fin du capitalisme”, explique l’auteur, près de 200 pages d’illustrations en grand cadrage et de descriptions d’exemples tangibles à l’appui. C’est dit. Tout est là, désolés pour ceux qui ne voient pas le rapport. Nous, on le voit, on l’encaisse à longueur de journée, et on se réjouit au moins d’une chose : “Dans l’indifférence générale” secoue le cocotier à mort avec un talent inouï. Ceux qui y resteraient indifférents n’ont qu’à louer un cerveau. On n’en peut plus de cette indifférence ancrée dans l’aveuglement face au désastre capitaliste, mais on sait maintenant que nous ne sommes pas les seuls.

Éditions La Boîte à Bulles / Arte Éditions. 208 pages. 25 €