LA JOIE ENNEMIE
Kaouther Adimi
Le principe de la collection “Ma nuit au musée” se veut déclencheur. Un tableau appelle des souvenirs, des correspondances, des mouvements intérieurs sensibles destinés à donner naissance à une matière littéraire. La nuit de Kaouther Adimi à l’Institut du Monde Arabe n’en finit pas d’éclairer nos jours. Violent, d’une tendresse folle, d’une puissance rédemptrice infinie, son récit bouleverse notre rapport à la littérature. Où se trouve la limite entre l’écrivaine dont on ressent si fort le souffle des soubresauts de la mémoire et nous, lecteurs, qui découvrons, à vif, son inconscient qui s’ouvre ?
Ici, Alger resplendit. Tout comme s’éclaire la destinée de la peintre Baya, algérienne également, dont Kaouther Adimi décrit en parallèle la peinture triomphante. Quelle puissance souterraine à l’œuvre dans ces pages ! La mutation artistique, alchimique, du corps vivant de Baya et de la ville d’Alger nous façonnent avec une intensité saisissante. Lucidement traduite, la progression psychique de l’auteure dévoile une écriture maîtrisée comme jamais. Kaouther Adimi puise dans sa ville bien-aimée la force étincelante qui nourrit son écriture. La noirceur des années 90 en Algérie, les traumatismes engendrés, n’ont pas eu raison du souffle littéraire, aux blessures vibrantes, de cette auteure solide qui emprunte le titre de son livre à une phrase de l’écrivain Kateb Yacine : “Ni mort ni meurtrier Je dissimule nos pertes À la joie ennemie”. Kaouther Adimi a gagné : la joie retrouvée lui appartient. Partagée par le verbe, elle ne nous quitte plus.
Éditions Stock. Collection Ma nuit au musée. 240 pages. 19,90 €