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KOMETA. LE VERTIGE DE L'ALTÉRITÉ ANIMALE.
Raconter le monde qui bascule, la revue Kometa s’y attèle. Superbement. Une mise en page maîtrisée au cordeau, des textes littéraires profonds, des photos documentaires saisissantes : un contenu d’une rigueur et d’une richesse de journalisme littéraire peu communes signe la rédaction en chef de Kometa. Invité d’honneur de ce numéro , le photographe animalier et cinéaste contemplatif Vincent Munier y dévoile des merveilles. Bouleversants, ses propos , à la hauteur de ses prises de vue, habillent avec une profondeur philosophique les enjeux intimes, politiques et géopolitiques qui définissent la relation entre l’animal et l’homme : “La bête, c’est une expérience de l’altérité vertigineuse”, explique Vincent Munier. “Parfois, ce que je photographie, ce sont des adieux. Des apparitions en voie de disparition”, confie-t-il. Déchirement.
“Mon père m’a transmis un amour silencieux et total du vivant.
Il avait ce double regard : montrer la beauté, alerter.”
Si la beauté inouïe des photographies de Vincent Munier occupe d’emblée le cœur et l’esprit à la lecture de cette revue, les multiples autres sujets n’en demeurent moins d’une densité culturelle éclectique peu commune. La solide intervention de la sociologue Kaoutar Harchi sur le système dominant des hommes envers les animaux en ressort superbement. Avec sa contribution à Kometa, “La rébellion du hérisson”, dans la droite ligne de son livre “Ainsi l’animal et nous” (Actes Sud, 2004), sa considération du corps animal articulé à sa réflexion sur le colonialisme s’avère stupéfiante de vérité politique, sans doute de par sa rareté dans le champ de la sociologie et de la philosophie. “Être vulnérable : c’est cela le point commun. Non pas une essence commune, mais une position partagée, face aux violences du monde. Ces violences ont un nom : capitalisme, colonialisme, patriarcat, spécisme.” Soupir profond… Soulagement existentiel devant la verbalisation de cette auteure hors normes.
“Quand nous faisons meute”, de l’écrivaine Clara Arnaud, au sujet du deuil d’un chien, s’inscrit ainsi sur la trame d’un questionnement vibrant sur la médiation vers l’altérité qu’un animal peut induire dans nos vies : “ Un récit poignant, où la montagne, les gestes partagés et les langues du vivant deviennent autant d’indices d’un monde à réapprendre”. Et quand l’écrivain américain Jonathan Franzen, passionné d’oiseaux, raconte dans un entretien exclusif “Les oiseaux révèlent ce que la politique détruit” la manière dont leur observation éclaire la crise mondiale de la biodiversité, on les écoute tous les oiseaux avec d’autant plus d’attention que l’on sait, dorénavant, que leur destin annonce celui des nations. C’est ainsi, sans atermoiements, dans un prolongement éditorial nourri, sur le thème de “Bête dans un monde humain”, que Kometa nous invite à cheminer dans ces pages, sur la crête du langage dans son rapport au monde animal. Une vertigineuse culture fondatrice, là où se tient notre humanité.
KOMETA. 160 pages. 23 €
KOMETA REVUE
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